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19 Août 2017 | Profession
 

Le buzz médiatique de ces derniers jours sur l’inefficacité avérée du paquet neutre et l’efficacité supposée du paquet à 10 euros (voir Lmdt des 16, 17 et 18 août) nous permet de passer en revue tous les arguments et témoignages sur le sujet : les bons comme les moins bons. Extraits.

DISCOURS CONVENU ET VRAIS DOUTES

Joseph Osman (tabacologue) sur LCI, le 16 août :

• sur le paquet neutre : « Il ne faut pas dire que cela ne sert à rien. Toute mesure anti-tabac est bonne à prendre. Le problème est de prendre la bonne mesure.

« En France, depuis quelque temps, on prend toutes sortes de mesures et on s’aperçoit que cela ne change pas en profondeur les choses. Mais je crois que c’est parce que l’on ne prend pas finalement les bonnes mesures et l’on ne comprend pas très bien comment faire pour aider les gens à arrêter de fumer.

« J’ai l’habitude de citer une phrase de Camus : le tragique c’est la conscience de l’absurde. Or qu’y a-t-il de plus absurde que de consommer une substance dont on sait qu’elle nous fait du mal et ne pas pouvoir s’y soustraire ?  Donc, le tabagisme est totalement absurde. Et je crois que depuis trop longtemps on a mis en avant les effets de la nicotine et on n’a pas suffisamment mis l’accent sur les difficultés psychologiques, psychiatriques, voire psychanalytiques. Et je crois que c’est de ce côté-là qu’il faudrait commencer à chercher aujourd’hui ».

• sur une augmentation des prix : « C’est une mesure efficace qui n’a jamais été réellement mise en pratique. Après, il y a augmentation et augmentation. Si l’augmentation amène à un prix supérieur à 10 euros, cela aura beaucoup d’effet. Il serait temps que ce ne soit plus Bercy qui s’occupe de la santé … ».


POUDRE DE PERLIMPINPIN ET GUERRE CONTRE LES PAUVRES

Débat entre Nicolas Goetzmann (Atlantico) et Éric Decouty (Marianne) sur LCI, le 16 août :

• « Le paquet neutre ne sert à rien, quand on est fumeur, on fume. Tout cela c’est de la poudre de perlimpinpin ».

• « C’est intéressant, ce qui se passe avec les cigarettes. Dans un récent sondage IFOP, il y avait une question sur le paquet à 10 euros et on y voit qu’il y a un clivage social extrêmement important. On voit au fur et à mesure des années que la cigarette, perçue autrefois comme très chic socialement, devient un marqueur de pauvreté.

« Et l’on voit donc une baisse effective du nombre des fumeurs en France mais aussi une résistance très forte, notamment dans les catégories populaires. Et il y a des études sociologiques qui ont été mises en place pour voir comment ces représentations sur les paquets n’avaient aucun effet sur les catégories populaires : en fait, c’est parce que les gens, devant les difficultés du quotidien, avaient du mal à se projeter dans le temps.

« La cigarette est donc devenue un truc de pauvre. Afficher aujourd’hui le paquet à 10 euros, c’est une sanction et une paupérisation pour les gens qui vont continuer à fumer.

Cette mesure, cela ressemble à une guerre contre les pauvres.

• « Aujourd’hui, on a tout essayé, les gens qui ont envie de fumer, ils fument. Le paquet neutre, c’est rien. On sait tous quand on est fumeur que c’est dangereux pour la santé.

C’est une forme de liberté. On a interdit de fumer dans les lieux publics et c’est très bien. Je crois qu’au bout d’un moment, il faut laisser aux gens la liberté de fumer ».


« JUSTE PLUS COMPLIQUÉ EN SOIRÉE »

Reportage du journal de 13 heures de TF1, à Caen, le 16 août :

• sur le paquet neutre :
• « Cela ne m’a rien fait du tout, je continue à fumer … » (une fumeuse d’un certain âge) ;
• « J’étais quand même relativement sensibilisée sur le sujet, j’ai bossé en chimio. Et franchement, le paquet neutre, cela ne me fait ni chaud, ni froid » (une jeune fumeuse) ;
• « Franchement, cela n’a rien changé, c’est juste plus compliqué en soirée parce que tout le monde a le même paquet » (une jeune fumeuse) ;
• « Ce qui est dissuasif, c’est peut-être la photo parce que certains n’en veulent pas. Après, les gens achètent des boîtes, mettent les cigarettes dedans et c’est reparti … » (Hervé Boulin, buraliste).

• sur le paquet à 10 euros :
• « 10 euros ? Ça va être difficile … mais ça va arriver » (un fumeur)
• « On est tellement accro que l’on est prêt à payer. Cela va faire mal à notre porte-monnaie, mais on va continuer » (un fumeur).


LE DÉPUTÉ SOCIALISTE GUILLAUME GAROT (député Nouvelle Gauche de la Mayenne) sur LCI du 16 août
:

« Dans un pays où on constate près de 70 000 décès par an, dus au tabac, est-ce qu’on peut en rester là ? Certainement pas. Et donc moi je dis : lorsque le Gouvernement nous dit qu’il faudra augmenter, que c’est la solution, allons-y ! »


DU CHER OU DU DOUBS, LES BURALISTES RÉPLIQUENT

Dans l’émission « Les auditeurs ont la parole » de RTL, le 16 août, avec Jean-Pierre Couteron de la fédération Addiction.

Jean-Marie Sire (buraliste à Quincy, dans le Cher, et syndicaliste aussi actif que communiquant) : « j’ai une question à poser sur le paquet Touraine qui devait tout faire contre le tabagisme alors que nous, nous nous sommes battus pendant trois ans pour expliquer que le fumeur n’achetait pas un paquet mais ce qu’il y avait dedans. Monsieur Couteron dit que l’on survend … Je ne comprends pas, est-ce que nous sommes dehors devant nos commerces à survendre du tabac ?

« Non, ceux qui survendent, ce sont ceux qui vendent de la contrebande à la sauvette, à Barbès. Nous, nous sommes des commis de l’État, nous récoltons un impôt sur le tabac. L’État récupère 80 %, nous 7,50 % net. Alors, qu’on arrête de nous taper dessus. Parce que je viens d’avoir une livraison, et il me faut de 45 minutes à une heure, de plus, pour contrôler la marchandise ».

Jean-Pierre Couteron : « vous êtes l’héritier, et non le responsable, d’un moment où l’on n’avait pas toutes ces informations sur la dangerosité du tabac et où on avait un système pour vendre d’une façon générale au public le tabac. Aujourd’hui, il faut accepter de sortir de ce système et de réduire l’accessibilité au tabac le plus possible parce que c’est un produit qui n’est que dangereux, que mortel. Il y aura donc des réglages à trouver parce que ça va être compliqué.

« D’un autre côté, vous avez raison de rappeler qu’il y a eu une sur-communication sur le paquet neutre. Le fumeur dépendant ne regarde pas le paquet. Mais le jeune, celui qui entre dans le tabagisme, reste influencé par une certaine culture trop favorable au tabac. On a mal vendu les alternatives, on a mal vendu le vapotage … »

Jean-Marie Sire : « cela fait 27 ans que je suis buraliste, j’en ai 60, j’ai une fille, élevée dans mon commerce, elle ne fume pas.

« Et puis, il faut savoir que la hausse des ventes depuis le début de l’année, ce n’est pas 9 % mais 0,9 %. En fait, avant le paquet à 10 euros, il faut une harmonisation européenne ».

Sébastien (buraliste à Montbéliard, dans le Doubs) : « chez nous, il y a plutôt une stabilisation des ventes et s’il y a eu une augmentation des commandes, cela correspond surtout à une période de transition avec le paquet neutre.

« Le paquet générique n’est pas arrivé par hasard, mais parce qu’à un moment, il y a eu un vote à 3 heures du matin avec quelques dizaines de députés seulement. Cela me révolte. Mais aujourd’hui, tout ce bins, ça me gêne, on le subit, parce que cette loi n’a pas été prise au sérieux au départ.

« Emmanuel Macron avait dit sur RTL qu’il souhaitait le paquet à 10 euros mais avec une harmonisation des prix en Europe. Et regardez, en Allemagne et en Belgique, la priorité est mise sur la prévention … »

Jean-Pierre Couteron : « En France, on a une politique de prévention qui n’est pas bonne du tout, c’est pour cela que l’on a des chiffres mauvais. Notamment sur le cannabis. Il faudrait s’appuyer sur des compétences psycho-sociales pour apprendre notamment aux plus jeunes, avant tout, à être bien dans leur corps et après, prévenir les addictions. Chez nous, on ne sait que punir ou soigner et non éduquer ».