Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
20 Juil 2017 | Observatoire
 

Dans la série « le paquet à 10 euros, une fausse bonne idée », le journaliste Jean-François Arnaud estime – sur le site de Challenges.fr – que « faute d’une concertation avec nos voisins, la hausse des prix des cigarettes de plus de 40% en trois ans, promise par le gouvernement, va surtout doper les ventes transfrontalières et le trafic ».

•• « L’instauration du paquet de cigarettes à 10 euros, c’est le degré zéro de la prévention contre le tabagisme. Une mesure d’apparence dure, censée témoigner de la volonté réformatrice et audacieuse du gouvernement qui la décide et de sa capacité à prendre des décisions impopulaires sur des enjeux de santé publique. Sauf que ce n’est pas tout à fait comme cela que ça se passe.

•• Comme la Cour des Comptes l’a souligné à plusieurs reprises, la politique de prévention est insuffisante. Elle pèse quelque 100 millions de budget pour un dramatique tribut de plus de 70 000 morts par an, alors que la prévention routière bénéficie d’un budget 100 fois supérieur pour une mortalité 20 fois moins importante.

Les Français fument toujours beaucoup (le taux de fumeurs, proche de 28 %, évolue très peu selon l’Inpes) et les hausses de prix n’ont jusqu’à présent réussi qu’à diminuer les ventes de cigarettes dans les réseaux légaux. Il est important de bien distinguer les ventes officielles et la consommation réelle.

•• Selon une étude KPMG, commandée par l’industrie du tabac, le marché parallèle qui comprend à la fois les ventes illégales (à la sauvette ou sur le Net) et les ventes parfaitement légales à l’étranger (voyageurs et habitants des régions frontalières) a, lui, augmenté de 7 points en dix ans, de 20 à 27 % des ventes totales. Bref, jusqu’à présent en tout cas, il est permis de douter de l’efficacité des hausses de prix sur la consommation réelle mais il semblerait bien que cela favorise un report des ventes vers le commerce non officiel (…)

•• Faute d’avoir réussi, ou même tenté de s’accorder sur une politique fiscale commune avec nos voisins européens, chaque hausse du tabac en France se solde par une hausse des ventes non légales. Déjà, les saisies douanières ont été multipliées par trois entre 2001 et 2016 (période où le prix du paquet de cigarettes a augmenté de 119%), faisant de la France la championne d’Europe des trafics, avec 9 milliards de cigarettes illicites consommées chaque année et un manque à gagner de 2,4 milliards d’euros pour l’État.

•• C’est peut-être ce qui explique les discussions, aujourd’hui, entre la ministre de la Santé Agnès Buzyn et Bercy. Le joli pactole de plus de 14 milliards de recettes fiscales liées au tabac est menacé. Un sacrifice financier acceptable si la santé publique y gagne mais incompréhensible si cela ne permet pas de faire baisser le tabagisme.

•• Et là, rien de probant pour le moment. Il devient lassant de citer encore une fois l’exemple allemand, mais on peut noter que les prix des cigarettes restent plus bas outre-Rhin, que les interdictions de consommer sont moins nombreuses, le paquet neutre n’y a pas été instauré, l’interdiction de la publicité y est moins absolue, et pourtant, les Allemands fument moins que les Français. La clé : la prévention.

•• D’où l’urgence d’une politique européenne, d’un prix européen de la cigarette, d’une politique systématique d’information et de prévention vers les publics les plus fragiles – et de la libéralisation du vapotage qui s’avère très efficace pour détourner les fumeurs de leur addiction – afin d’éviter que la lutte contre le tabac en France continue à ne freiner que le petit commerce.

« Une initiative de la France s’impose au plan communautaire pour obtenir un rapprochement des fiscalités du tabac, ou une action concertée en matière de lutte contre les trafics clandestins, voire, comme le souhaitent certains acteurs, un traitement dérogatoire du tabac en matière de circulation des produits », ainsi concluait la Cour des Comptes dans son passionnant rapport de 2012. Des recommandations parties en fumée ? ».