Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
7 Juil 2017 | Profession
 

« Le Premier ministre reprend les bonnes vieilles méthodes de politique de santé publique » estime le journaliste économique d’investigation, passé du JDD à BFM TV (c’est aussi l’auteur de « L’État accro au tabac » / voir Lmdt du 15 octobre 2014).

Dans un sujet du 5 juillet, il estime qu’en portant progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros (« en moyenne, deux hausses de prix de 30 centimes par an, pour atteindre 3 euros à fin 2022 »), la mesure devrait rapporter « plus de 5 milliards d’euros (supplémentaires) à l’État. Une méthode bien rodée par le passé ». Explications, sachant que l’auteur se base sur son indicateur du nombre moyen de cigarettes par jour et par fumeur.

•• En théorie, la baisse de consommation provoquée par une hausse de prix devrait relativiser le surplus de fiscalité escompté. Mais la méthode proposée par Édouard Philippe devrait justement permettre de maximiser les recettes fiscales … tout en limitant relativement la baisse de consommation, « néfaste pour le rendement » de la mesure.

•• Plusieurs ont été testées par le passé et ont démontré leurs effets, poursuit Matthieu Pechberty.

Avec les deux hausses du plan Cancer de Jacques Chirac en 2003 et 2004 (40 centimes, puis un euro), il s’en est suivi une baisse de la consommation de tabac de 4,6 à 3,9 cigarettes par jour et par fumeur, en seulement deux ans, tout en prenant en compte qu’une partie des achats s’est détournée vers l’étranger.

Entre 2005 et 2007, le gouvernement a ensuite gelé les prix pour calmer la grogne des buralistes, alors que la consommation a stagné à 3,7 cigarettes, par jour et par fumeur.

En 2008, Bercy a repris une stratégie de hausses de prix faibles et progressives qui a permis à l’État de faire exploser les recettes fiscales du tabac. Elles ont ainsi augmenté de 12 à 14 milliards d’euros entre 2008 et 2013 sous l’effet de hausses annuelles, voire biannuelles, de 20, 30 ou 40 centimes. Mais jamais plus, pour ne pas « casser » la consommation qui n’a d’ailleurs que très légèrement baissé à 3,5 cigarettes, par jour et par personne.

En cinq ans, les prix ont ainsi augmenté de 40%, passant progressivement de 5 euros à 7 euros. Édouard Philippe veut reproduire cette évolution, au même rythme, en augmentant les prix de 7 à 10 euros, soit une hausse similaire de 40 %.

• Mais à force d’élever le niveau des prix, la machine s’est quelque peu grippée. Ce fut le cas en 2014 quand, après deux hausses successives en 2013, la consommation a reculé d’un coup à 3,2 cigarettes par jour. Et par conséquent, les recettes fiscales ont baissé de 200 millions d’euros, cette année-là, encourageant l’État à stopper l’hémorragie. Le prix a ainsi été gelé depuis 2014 et n’a toujours pas évolué.

•• Dernier constat de Matthieu Pechberty : la présence du « duo de choc qui aura à cœur de reproduire cette lucrative politique d’optimisation fiscale grâce aux hausses des prix du tabac ». Á savoir, Laurent Martel, conseiller fiscal de Matignon qui a piloté la fiscalité tabac de Jérôme Cahuzac puis de Bernard Cazeneuve et Jérôme Fournel, lequel, à la tête de la Douane de 2007 à 2013, « a mis en musique la stratégie de hausse progressive des prix pendant cinq ans qui a tant rapporté au budget de l’État ».