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17 Nov 2016 | Profession
 

Eckert Senat

Suite à l’examen des nouvelles taxes sur le tabac au Sénat, hier soir (voir Lmdt de ce jour), nous vous présentons la substance des débats (il s’agit d’une synthèse, pas d’un verbatim).

•• ARTICLE 16 : « contribution sociale à la charge des fournisseurs de tabac », c’est-à-dire Logista et plusieurs autres petits fournisseurs

Georges Labazée (PS, Pyrénées-Atlantiques) : Le Gouvernement a fait de la lutte contre le tabagisme une priorité. Nous nous en félicitons. Oui, il faut créer des outils efficaces. Il y a la théorie et il y a la réalité. Parfois les outils créés sont injustes. L’organisation de l’approvisionnement des cigarettes en France permet de faire échapper les groupes industriels et leurs filiales à toute taxation en France. Cette taxe permettra de faire contribuer le secteur. En théorie cette disposition lutte contre l’optimisation fiscale par le biais d’un monopole. En réalité cette contribution ne sera pas répercutée sur les grands groupes étrangers. Non ! Elle pèsera sur les producteurs. Si demain cet article est adopté, cela entrainera la disparition des producteurs du Sud-Ouest. Nous avons travaillé pour parvenir à un meilleur dispositif. C’est l’amendement n°409 que la commission a jugé sans rapport avec le PLFSS. En repli, via l’amendement n°380 nous demandons un report de la taxe en 2020 pour les tabaculteurs.

Yves Daudigny (PS, Aisne) : Je veux apporter quatre éléments au débat :
• la lutte contre le tabagisme est essentielle pour la santé publique. Nous saluons l’action de la ministre, notamment le paquet neutre ;
• la France a des frontières ouvertes, nos voisins ont des taxes moins élevées. Une baisse chez les buralistes ne veut pas dire une baisse de la consommation ;
• il est important de mettre en œuvre la traçabilité des cigarettes, de l’usine à la vente au consommateur. C’est l’objectif du protocole de l’OMS qui a été ratifié par la France ;
• c’est un problème de culture. Notre pays n’est pas sensible aux questions sanitaires, c’est pourquoi nous devons être inventifs.

Alain Milon (LR, Vaucluse) : La lutte contre le tabagisme ne date pas de Marisol Touraine. La commission va proposer la suppression de cet article et elle maintiendra l’article sur le tabac à rouler. Attention, la prévention doit passer en même temps que l’augmentation des prix. Le mois sans tabac est plus efficace. La parole ministérielle est importante. Je me souviens de ce qui a été dit ici sur le paquet neutre et de l’engagement de la ministre de ne pas mettre d’autres choses …

Laurence Cohen (PCF, Val-de-Marne) : Il faut davantage de moyens contre les trafics. Les hausses des prix ne sont pas efficaces. Quel impact sur la consommation ? La question est ouverte. Elle se concentre sur le tabac à rouler, de plus les buralistes subissent dans les zones frontalières la contrebande et la contrefaçon. Il faut un lissage au niveau européen. Réfléchissons à un fléchage des recettes supplémentaires pour donner des moyens supplémentaires au service des douanes.

Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget : Les augmentations de prix ont généré une baisse de la consommation sur les quinze dernières années. Cette baisse a été spectaculaire ! C’est de l’ordre de 20% à 30% dans le réseau légal et ça ne peut pas être compensé par les circuits illégaux ! J’assume mon propos ! La lutte contre les importations illégales a été renforcée : plus d’achats sur Internet. Notre cyber-douane repère les circuits. Nous avons renforcé les limitations d’importations personnelles. Il y a des sanctions ! Nous avons pris d’autres mesures avec les expressistes.

Cet article n’entrainera pas d’augmentation des prix … Nous faisons le pari que non. Les produits de tabac sont principalement produits à l’étranger. Les marges réalisées par les fabricants sont très supérieures en France par rapport à d’autres pays. Les fabricants peuvent absorber cette taxe compte tenu des volumes et quantités en jeu.

D’autres problèmes doivent être traités : ceux des petites entreprises françaises (ayant le statut de fournisseurs de tabac, ndlr). Je me suis engagé à trouver une solution satisfaisante. Supprimer cet article va à l’encontre d’une mesure de justice fiscale et de lutte contre le tabagisme. Les gros producteurs de tabac réalisent des milliards en France en ne paient pas un radis en France. Ils font faire payer le distributeur !

Un mot sur la traçabilité. Il nous a divisé violemment à l’Assemblée nationale. Je me suis fait traiter de tous les noms. Nous avions transcrit la directive européenne. Les députés ont voulu supprimer cela … Un an plus tard rien n’a été fait. Le Parlement a commis une erreur.

J’ai signé ce matin un courrier à la Commission européenne pour rappeler la position de la France : traçabilité et mise en place indépendante des fabricants. Nous demandons une harmonisation de la fiscalité. Oui il y a un problème, un sujet que nous devons traiter, mais il n’est pas à la mesure de l’enjeu. Je vais vous mettre collectivement en garde.

Examen des amendements de suppression

Bruno Gilles (LR, Bouches-du-Rhône) : Vous avez dit que cette taxe pourrait être répercutée sur les fabricants mais je crois que le Gouvernement n’y croit pas lui-même. On ne peut pas légiférer à coup de paris … ! Ce serait hasardeux mais la survie d’entreprises est en jeu. La plus importante d’entre elle (Logista, ndlr) qui est implantée à 100 % en France, vous collecte 14 milliards de droits et représente 1 500 emplois sur 37 sites… Si vous la mettez à contribution vous la mettez en danger. Cette disposition en plus n’est pas constitutionnelle et ne sera pas opérationnelle.

Jean-Marie Vanlerenberghe (LR, Pas-de-Calais), rapporteur général de la commission des Affaires sociales : Nous voulons lutter avec ardeur contre la consommation de tabac. Mais il faut trouver les bons moyens ! 30% de consommateurs habituels de tabac dans la population française. C’est énorme ! Cette addiction est énorme ! Il faut lutter résolument contre la consommation de tabac. Ça ne se fera pas avec cet article 16. On parle de milliards qui échappent à l’impôt et vous proposez une taxe à 130 millions. La disproportion est notable. Il faudrait taper plus fort. Le tabac coûte certainement trois à quatre fois ce qu’il rapporte. La commission veut supprimer cet article. L’assiette n’est pas pertinente et on ne sait pas quelles seront les conséquences. Le Sénat a déjà refusé la mise en place de cette contribution lors de l’examen de la loi Santé.

Jean-François Longeot (UDI, Doubs) : Cet article est inapproprié et incompatible avec la Constitution et l’Union européenne. Il va y avoir une répercussion sur les prix de vente. Vous vous y étiez opposé Monsieur Eckert ! De plus, Michel Sapin ne veut pas augmenter les taxes. Cette taxe pourrait mettre en cause les distributeurs agréés.

Jean-Marie Vanlerenberghe : Avis favorable de la commission !

Christian Eckert : Vous avez dit, M. le rapporteur général, qu’il faut taper plus fort et en même temps vous êtes contre la hausse des prix. Il y a une baisse de 35 % de la consommation dans le réseau légal. Pour la première fois, il y a eu une hausse dans le réseau légal. Est-ce lié à une baisse de la contrebande ? C’est dur à dire. Les buralistes nous disent que l’augmentation a été liée à l’Euro et au beau temps. En tout cas depuis quelques mois, il y a, à nouveau, une hausse.

Nous avons décidé d’augmenter la fiscalité sur le tabac à rouler. Nous homologuons les prix, mais nous ne les fixons pas ! Il n’y a pas eu systématiquement des augmentations de prix avec l’augmentation de la fiscalité. Je sais ce que disent les fabricants. D’après nos estimations si c’était répercuté, nous aurions une hausse entre 10 et 15 centimes, probablement moins. Je dis bien, si ! Compte tenu de la stabilité de la fiscalité l’année dernière, nous reprendrions une hausse normale !

Nous avons soumis cet article au Conseil d’État qui a approuvé sa constitutionnalité et sa conformité au droit communautaire. Je le rappelle les fabricants ne paient pas un radis en France.

Alain Vasselle (LR, Oise) : Nous avons évoqué la traçabilité, cela mérite un débat. Je ne suis pas persuadé qu’il y ait eu une concertation. Cet article 16 traduit une hypocrisie du Gouvernement. C’est une mesure comptable ! Quelles mesures le Gouvernement compte mettre en place pour la prévention ?

Yves Daudigny : Les arguments du ministre sont solides et respectables. Le groupe socialiste a exprimé des soucis. Nous voulons débattre de l’amendement de Georges Labazée.

Aline Archimbaud (EELV, Seine-Saint-Denis) : Il y a des dégâts sanitaires. Nous ne voterons pas ces amendements. Nous avons une responsabilité politique mais il faut régler certains problèmes. Les systèmes de traçabilité sont opaques et non transparents. Nous sommes inquiets pour les buralistes. Mais il ne faut pas tout mélanger.

Daniel Chasseing (LR, Corrèze) : Le tabac comme le cannabis est mauvais pour la santé. Depuis le paquet neutre on assiste à une hausse des marchés parallèles. Je vois cela en Corrèze. Il faudrait harmoniser les prix européens. Il risque d’y avoir un effondrement du marché légal si les prix augmentent.

Christian Eckert : Le paquet neutre sera mis en œuvre plus tard !

Les amendements de suppression sont adoptés.

L’article 16 est supprimé.

•• ARTICLE 17 : augmentation de la fiscalité du tabac à rouler

Discussion générale

Aline Archimbaud : Nous avions déposé un amendement déclaré hors-sujet par la commission. Il demandait qu’on regarde la diversification économique des buralistes. Je sais que dans le cadre du PLF il y aura des compensations financières, c’est important, mais notre idée c’était de voir comment avoir une action plus forte d’accompagnement des buralistes pour leur reconversion ou leur diversification : vente de produits et de services diversifiés. Monsieur le ministre, je n’ai pas d’amendement mais envisagez-vous de mettre en place un dispositif d’accompagnement économique des buralistes ?

Examen des amendements de suppression

Jean-François Longeot : C’est une augmentation sans précédent de la fiscalité sur le tabac à rouler. C’est en contradiction avec les propos de Michel Sapin et la position du Gouvernement. Marisol Touraine s’était prononcée contre. Le réseau des buralistes va voir l’arrivée du paquet neutre et l’interdiction des cigarettes à capsules. Il y a risque d’effondrement du marché légal. Nous avons déjà les prix les plus hauts. Cette forte progression entrainera des achats à l’étranger qui nuiront aux débitants et au budget de l’État. L’impact est incertain sur la santé publique.

Hermeline Malherbe (RDSE, Pyrénées-Orientales) : On veut bien lutter contre la consommation de tabac. La lutte contre les achats illégaux est à saluer mais est insuffisante. On constate l’inefficacité des hausses successives. Faisons réellement le point sur cette inefficacité ! Parlons des individus pas de leur consommation. Globalement, les fumeurs fument moins mais ils sont plus nombreux. Travaillons sur l’efficacité de ce que l’on met en place ! Je n’oublie pas les buralistes. Le buraliste, c’est le commerçant avec le lien social dans le monde rural. Il faut voir comment il peut continuer dans les zones transfrontalières.

Jean Bizet (LR, Manche) : Cela va entrainer une recrudescence des marchés parallèles et des problèmes de santé publique. Je préfère l’éducation à la taxation. Je reste contre le paquet neutre, il y a une spoliation de la propriété intellectuelle.

Jean-Marie Vanlereneberghe : Je suis favorable à une augmentation de la fiscalité sur le tabac à rouler. La fiscalité est un levier efficace même si ce n’est pas le seul : prévention et éducation. Le tabac à rouler est le tabac des jeunes. C’est prouvé. Il faut aligner les prix. C’est une question de santé publique. Les seules mesures fiscales ne suffiront pas mais y contribuent.

Christian Eckert : Le Gouvernement est défavorable (aux amendements, ndlr). En 2015, la vente de tabac à rouler a augmenté. On a une hausse. Depuis 1990, les volumes de tabac à rouler ont augmenté de 84% alors qu’on a 50% de volumes en moins sur les cigarettes. La fiscalité n’est pas la même entre les deux !  On vous propose d’aligner la fiscalité du tabac à rouler et des cigarettes.

On me parle des buralistes. Il y a deux ans, lors de leur congrès, je suis arrivé dans une salle avec 500 personnes avec un masque de Scream. J’ai fait un discours dans un climat glacial. Je suis parti dans des conditions difficiles. L’année dernière je n’y suis pas allé pour des raisons d’agenda et de circonstances. Cette année j’y suis allé et j’ai été applaudi. Pourquoi ? Parce que nous les avons vus et nous avons mis les cartes sur la table. On a travaillé sur leur survie et leur diversification. Leur nombre diminue. On s’accorde sur leur rôle. On a travaillé. Cela a été contesté par l’IGF et la Cour des comptes. Mais, on a travaillé sur plusieurs axes :
• recentrer les aides ;
• limiter les effets d’aubaines ;
• permettre la diversification ;
• travailler sur la rémunération.

Nous sommes arrivés à un accord. Les relations sont apaisées sans êtres parfaites.

Catherine Deroche (LR, Maine-et-Loire) : Je ne voterai pas les amendements de suppression. On est sur des faux débats. Regardons les chiffres. Diversifions l’activité des buralistes.

René-Paul Savary (LR, Marne) : Le problème du tabac c’est l’effet cumulatif. Donc il faut des actions fortes pour l’arrêt du tabac. C’est pour cela que vous avez raison Monsieur le Ministre. C’est pour cela qu’il ne faut pas réduire les crédits de la Mildeca !

Catherine Génisson (PS, Pas-de-Calais) : Nous ne voterons pas ces amendements de suppression. On est face à des drames humains. Ces mesures de fiscalité sont intéressantes mais pas suffisantes. La prévention est fondamentale. La lutte contre la contrebande c’est bien mais accentuons-là. Ce n’est pas la France seule qui pourra traiter ces sujets. C’est un enjeu européen. Il faut tenir en compte la façon dont les buralistes font vivre nos territoires ruraux.

Jean-François Longeot : Faisons l’harmonisation européenne plutôt que de jouer les chevaliers blancs.

Annie David (PCF, Isère) : Nous ne voterons pas ces amendements. Il faut insister sur la prévention. C’est ce qui manque à vos mesures de taxation, que nous soutenons, bien entendu. Je vois les difficultés des buralistes. J’habite à la campagne, je sais leur importance dans nos territoires. Travaillons avec eux pour leur diversification.

Jean-Louis Tourenne (PS, Ille-et-Vilaine) : Nous ne pouvons pas être sur la même longueur d’onde. Nous devons préserver le maillage des buralistes avec une politique globale : leur préservation, tout en luttant contre le tabac. Je suis surpris de ce que je peux entendre sur la fiscalité… Et pourtant on utilise toujours le gage-tabac.

Hermeline Malherbe : Pouvons-nous avoir une étude dans les mois à venir sur la corrélation entre la consommation et la fiscalité ?

Christian Eckert : La prévention je ne suis pas le mieux à même pour vous en parler. Mais je peux vous dire qu’il y a des actions qui sont menées.

Sur l’étude Madame, je ne peux pas m’engager. Tous les ans, les buralistes font une étude sur la contrebande, par nature c’est caché, c’est assez controversé, c’est difficile. Je ne peux pas m’engager. Les fabricants ont des politiques et notre fiscalité, face à eux, c’est « peanut ».

Alain Vasselle : Sur cette disposition, ce Gouvernement est face à un dilemme : l’intérêt économique (activités pour les buralistes et les tabaculteurs) et un problème de santé publique. S’il y a un problème alors ne soyez pas hypocrites et interdisez le tabac. Il est temps de faire une étude d’impact sur la suppression de la consommation de tabac en France pour que nous prenions nos responsabilités.

Les amendements de suppression ne sont pas adoptés.

Amendement n°433 (visant à augmenter le minimum de perception)

Patricia Schillinger (PS, Haut-Rhin) : La consommation du tabac à rouler progresse. Il faut saluer l’action du Gouvernement. Cet amendement propose d’aller plus loin et plus vite en augmentant le minimum de perception sur le tabac à rouler. Agir sur le minimum de perception permet de lutter contre les prix d’appel. Je sais qu’on ne peut agir isolément, oui, car il y a la contrebande et les buralistes. Il faut une harmonisation européenne

Jean-Marie Vanlerenberghe : Cet amendement pose un problème de compatibilité avec le droit communautaire. Avis défavorable.

Christian Eckert : Défavorable.

L’article 17 est adopté.