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10 Fév 2016 | Pression normative
 

Cour des ComptesCe mercredi 8 février, la Cour des comptes publie son rapport annuel. 

À cette occasion, elle revient sur le sujet de la lutte contre le tabagisme, sujet qu’elle avait déjà abordé (voir Lmdt des 12 février 2013 et 14 décembre 2012). Voici les principaux extraits de ses conclusions. 

• Effets des hausses de prix

« Les hausses de prix successives étaient intervenues (…) étaient d’un niveau chaque fois insuffisant pour provoquer une baisse durable de la consommation, reflétant en réalité une stratégie d’optimisation financière à la fois pour l’État, les fabricants et les buralistes ».

• Application de l’interdiction de la vente de tabac aux mineurs

« Pour faciliter le respect de l’interdiction de vente aux mineurs, les buralistes doivent, par ailleurs désormais, demander à leurs clients d’établir la preuve de leur majorité. Cependant, les possibilités de contrôle effectif de la règlementation sanitaire, très modestes jusqu’alors, ne sont que très modérément renforcées : la Cour avait constaté qu’un débitant de tabac ne courait le risque d’être contrôlé par un agent des douanes qu’une fois tous les 100 ans. Face au manque de disponibilité des corps de contrôle (douanes, inspections sanitaires, services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, gendarmerie), l’habilitation des agents des services de police municipale et des gardes champêtres pour effectuer de tels contrôles constitue certes un progrès, mais trop limité pour qu’il puisse en être escompté une forte hausse ».

• Sur le PNRT et la loi « santé »

« Le PNRT et la loi de modernisation de notre système de santé ont ainsi entendu donner un nouvel élan à l’action publique contre le tabagisme. Ces orientations et mesures législatives sont beaucoup trop récentes pour pouvoir en observer d’ores et déjà les effets sur la consommation de tabac, d’autant plus qu’elles n’ont pas été accompagnées de fortes hausses de prix, à l’incidence plus rapide, en dépit de l’acuité grandissante des enjeux de santé publique ».

• Sur les achats hors du réseau

« Contrairement aux recommandations de la Cour, la question des achats hors réseau n’a ainsi pas fait l’objet d’éclairages supplémentaires pourtant indispensables. Il manque toujours à la direction générale des douanes et droits indirects, notamment, un instrument de mesure fiable et précis des effets économiques des mouvements de prix. Les désaccords persistants sur l’intensité du commerce illicite apparaissent une difficulté majeure pour mener dans la durée une politique de prix qui contribue efficacement aux objectifs de santé publique. Une analyse actualisée et indépendante apparaît d’autant plus indispensable que l’expiration fin 2016 du troisième « contrat d’avenir » passé avec les buralistes ne manquera pas d’aviver le débat sur l’importance des achats hors réseau, notamment illicites, et sur leur incidence sur la santé économique du réseau des débits de tabac ».

• Point spécifique sur le réseau des buralistes

« Les buralistes exercent pour le compte de l’administration le monopole de la vente de tabac (article 568 du code général des impôts). Un tel monopole de distribution par un réseau de « préposés de l’administration » n’est pas la règle dans l’Union européenne : en 2012, il était estimé que 22 % des cigarettes y étaient achetées dans des supermarchés et 10 % dans des distributeurs automatiques.
« Depuis 2012, le nombre de débits de tabac a continué de décroître en moyenne de 500 par an pour revenir à un total de 26 000 débits de tabac au 31 décembre 2014. Ce rythme de fermeture se serait sensiblement accéléré en 2015, malgré la reprise des ventes de tabac.
« Les buralistes sont rémunérés au moyen d’un pourcentage du chiffre d’affaires relatif au tabac qu’ils réalisent. Depuis 2004, les pouvoirs publics leur apportent des aides destinées à compenser la diminution de revenu liée aux baisses des ventes et à diversifier l’activité. Elles se sont élevées à 255 M€ de 2012 à 2014. La Cour avait souligné, aussi bien dans son évaluation de la politique de lutte contre le tabagisme que dans son rapport public annuel de février 2013/282, que ce mécanisme d’aide, prévu à titre transitoire et qui s’était prolongé sans justification pertinente, dès lors que le chiffre d’affaires global de la profession avait en réalité très fortement augmenté, était généreux, porteur d’effets d’aubaine massifs au profit, en particulier, des débitants les plus prospères et peu incitatif à la diversification des activités.
« Elle avait appelé à leur remise en cause complète pour ne laisser subsister que les aides structurelles destinées à permettre de moderniser le réseau et à renforcer la sécurité des buralistes. Une réforme a été esquissée lors de la préparation du PNRT, mais n’a pas prospéré, alors même que tant la situation des finances publiques que la lutte contre le tabagisme rendent indispensable un meilleur ciblage des concours apportés à la profession ».

• Recommandations de la Cour des comptes
1. affiner la mesure des incidences des mouvements de prix sur les ventes hors réseau et mesurer les effets du paquet neutre sur la consommation ;
2. mettre en œuvre dans la durée une politique de relèvement soutenu des prix en usant de l’outil fiscal à un niveau suffisant pour provoquer une baisse effective et durable de la consommation ;
3. mobiliser de manière coordonnée, et en suscitant la création de réseaux, l’ensemble des différents professionnels de santé sur la prévention du tabagisme et l’aide à l’arrêt du tabac.