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10 Fév 2016 | Pression normative
 

Les Echos.frSignificatif, le traitement par Les Échos.fr du volet « tabagisme » du rapport annuel de la Cour des Comptes (voir Lmdt de ce jour). Entre méconnaissance des réalités du marché du tabac et de l’exercice du métier de médecin tabacologue … Nous le reproduisons intégralement.  

« Alerte au tabagisme. Dans son rapport annuel publié ce mercredi matin, la Cour des comptes s’inquiète de la hausse des ventes de tabac au cours des trois premiers trimestres de l’année 2015 : +0,6 % en volume pour les cigarettes, +6,8 % pour le tabac à rouler, qui est moins taxé et qui pèse maintenant 15,5 % du marché. On ne peut pas encore parler d’inversion de tendance durable. Mais cette « contre-performance certaine » « montre que du temps a été perdu dans l’action publique et que les mesures prises dans l’attente de la mise en œuvre du programme national de réduction du tabagisme (le PNRT a été présenté par Marisol Touraine en septembre 2014, ndlr) n’ont sans doute pas été assez résolues ».

Certes, la proportion de fumeurs quotidiens est passée de 30 % en 2000 à 28,2 % en 2014, mais la consommation demeure forte, souligne la Cour, et « cette trajectoire s’écarte de celle de pays comparables ». Moins de 20 % des adultes fument tous les jours dans 15 des 34 pays membres de l’OCDE. « Là où un Français sur trois fume, c’est le cas d’un Anglais sur cinq », insiste la vigie des comptes publics, qui rappelle au passage que selon de nouvelles estimations, le seul coût sanitaire du tabac s’élèverait à 25,9 milliards d’euros par an.

Au point où nous en sommes, les objectifs du PNRT apparaissent donc « très ambitieux », souligne la Cour : il va être dur de parvenir à 1,34 millions de fumeurs en moins d’ici à 2019, et 3,9 millions en moins d’ici à 2024, soit respectivement -10 % et -20 %.

La hausse des prix a fait ses preuves en 2004 en France, argumente la Cour. Il ne faut pas se contenter de l’instauration du « paquet neutre » en mai 2016, car « c’est bien le choix d’une mobilisation de l’ensemble des instruments possibles qui a permis au Royaume-Uni de parvenir à réduire de près de 10 points en dix ans le niveau de la consommation de tabac »« Une prolongation du moratoire fiscal décidé pour les années 2015 et 2016 ou son relais par des hausses de prix calibrées à un niveau insuffisant pour provoquer l’arrêt du tabac apparaîtraient de nature à compromettre très fortement » l’atteinte des objectifs du PNRT, prévient-elle.

Douce musique aux oreilles des militants anti-tabac. La députée socialiste Michèle Delaunay, rapporteur du Budget de la Sécurité sociale, milite pour une hausse de 1 euro par an pendant trois ans du prix du paquet, afin d’atteindre la barre symbolique de 10 euros.

Par ailleurs, la Cour demande que les pouvoirs publics mesurent avec précision l’incidence de la hausse des prix sur la vente hors du réseau des buralistes, et les effets dissuasifs du paquet neutre sur la consommation.

Elle souhaite aussi que l’on mobilise de manière coordonnée les professionnels de santé sur la prévention et l’aide à l’arrêt du tabac. La loi Santé a marqué des progrès dans ce sens avec la possibilité donnée aux sages-femmes, par exemple, de prescrire des patchs nicotiniques aux femmes enceintes et à leur entourage. Dans le cadre de la négociation conventionnelle qui va s’ouvrir incessamment, il est possible que l’accompagnement à l’arrêt du tabac devienne l’un des critères donnant droit à un supplément de rémunération pour les médecins qui effectuent ces tâches (cela ferait partie de leur « rémunération sur objectifs de santé publique »). Une très bonne idée, selon la Cour ».