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25 Août 2018 | International
 

Dans la bande de Gaza – 40 kilomètres de long sur 11 de large – la consommation de tabac explose.

Depuis la dernière guerre contre Israël à l’été 2014, la dégradation de la situation humanitaire, le désœuvrement (60 % de chômage chez les jeunes), les traumatismes psychologiques : tout concourt à chercher des évasions furtives. 

Extraits d’un reportage dans Le Monde daté du 22 août.

•• Nidal Migdad, 28 ans, se lève aux aurores pour installer son présentoir à cigarettes au milieu d’une artère fréquentée de Gaza.

Sa marchandise est arrivée par l’un des tunnels de contrebande encore actifs, en provenance de l’Égypte. Il parvient à vendre trois cartouches par jour en moyenne. Une misère, qui lui rapporte 21 shekels (5 euros). « La plupart du temps, je vends les cigarettes à l’unité, dit-il. La situation est tellement catastrophique à Gaza que le marché est désorganisé … alors que les gens fument de plus en plus… Ils n’ont rien d’autre à faire. »

•• Traditionnellement, il y a toujours eu bien plus de fumeurs en Cisjordanie que dans la bande de Gaza où l’alcool est par exemple introuvable.

Mais fin 2015, Le Bureau central palestinien des Statistiques estimait que 26,6 % des hommes, entre 15 et 29 ans, fumaient à Gaza, contre 49,5 % en Cisjordanie. Dans la bande, ils étaient 14,3 % seulement en 2010. Les femmes, elles, ne fument pas dans l’espace public. « L’islam interdit en principe toute chose portant atteinte à la santé », soupire le docteur Hussein El-Atar, chef du service de maladies pulmonaires à l’hôpital Al-Shifa, à Gaza. « Mais il n’y a aucune campagne de prévention publique. Ici, tout ce que les gens peuvent prendre, ils le prennent. Je me demande si les jeunes ne comprennent pas à l’envers, volontairement, les avertissements sur les paquets de cigarettes : Cela me causera du tort ? Et alors ? On vit de toute façon dans un environnement si malsain … »

•• En fait, le problème numéro un des consommateurs et des vendeurs à Gaza, c’est que le marché est imprévisible.

Tout change du jour au lendemain, en raison des difficultés d’acheminement. Yasser Mughrabi, 24 ans, travaille dans un magasin spécialisé dans le tabac. On y trouve toutes les marques, mais aussi des pipes à chicha avec leurs boîtes de tabac aux arômes fruités. Un samedi, jour férié, en matinée, personne n’entre. « Le business est très faible, regrette le jeune homme. Un jour on gagne un peu d’argent, le lendemain rien. Tout dépend de la quantité de cartons qu’on reçoit de Rafah, la ville frontalière avec l’Égypte. Les marchands là-bas, qui connaissent toutes les arrivées par les tunnels, font de la rétention s’il n’y a pas de grosses quantités et les prix s’envolent. » Parfois c’est deux shekels de plus, parfois dix. Peu de gens peuvent se permettre des Marlboro, parmi les marques les plus onéreuses.

•• Il fut un temps où l’essentiel des cigarettes venait de Jénine en Cisjordanie. Riad Ahmed Agel, 58 ans, s’en souvient avec nostalgie. « J’ai dû arrêter à cause des taxes. C’était en 2016 » À la taxe de 120 shekels pour chaque kilo, le Hamas, qui avait accordé l’autorisation d’importation, a ajouté une deuxième taxe.

Selon lui, la contrebande a totalement supplanté le marché légal, sans que le Hamas perde sa source de revenu : « ils connaissent chaque paquet qui entre dans la bande de Gaza. »