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20 Avr 2017 | Profession
 

Depuis février, Libération ausculte, dans une rubrique hebdomadaire, les réalités de la vie commerçante à travers des portraits dans toute la France.

Ce mercredi 19 avril, « Comment ça va le commerce ? » est consacré à Laurent Bedet, buraliste depuis sept ans à Saint-Quentin (Aisne) , « en quête d’une nouvelle clientèle ». Extraits.

•• « Il a le tutoiement facile, la tchatche taquine, et derrière sa manie de vous retourner les questions, le regard bleu translucide plongeant dans le vôtre, on devine que son job de débitant de tabac lui colle à la peau ».

En rachetant le Maryland, le buraliste de 45 ans reconnaît qu’il « a flairé le bon filon. Le tabac est situé sur la rue (piétonne) la plus passante de la ville, traversée par 6 000 personnes par jour ». Alors qu’autour, plusieurs commerces (une maison de la presse, une boulangerie, une boutique Orange, …) ont fermé ces dernières années sans trouver repreneur.

•• Après un bac comptabilité et un BTS commercial, il veut gagner sa vie tout de suite et travaille avec ses parents dans le textile en région parisienne de 1992 à 2003. En 2004, il achète un bar-tabac-Loto-PMU à Longchamps (Aisne) : « quand tu tiens un PMU, tu vois toujours les mêmes personnes, c’est toujours la même rengaine. J’ai eu envie de changer ».

•• Laurent Bedet se serait bien lancé dans plusieurs établissements si la loi n’interdisait pas aux buralistes d’avoir plus d’un tabac. Finalement, en 2011, il rachète le Maryland (« une institution ») au tribunal après sa mise en liquidation judiciaire. Il y a réinjecté l’activité bar, disparue entre-temps, installé un coin presse et une terrasse.

« Chez moi, ça sent la cuisine, c’est pas cher, on propose un plat du jour, pas de surgelé. Pas de chichi non plus. Une nouvelle formule qui nous a amené une autre clientèle et a compensé celle du PMU que j’ai arrêté en 2015 » Il explique de lui-même : « Je ne vois pas pourquoi j’aurais gardé cette activité qui verse au buraliste pas plus de 2% de commission et qui fait que sur 1000 euros de vente, tu ne touches pas plus de 17 euros. En plus, la clientèle PMU est capable de dépenser des fortunes dans les paris mais pas 1,80 euro pour un café ».  Il a donc décidé de se cantonner à la Française des Jeux.

•• Le chiffre d’affaires du Maryland, par exemple, est de 3,5 millions d’euros. Quant au bénéfice, il préfère ne pas le donner. Mais aussi parce qu’il exige un rythme de travail hardcore : « On est ouvert sept jours sur sept de 7h30 à 20 heures. Chez moi, on fait tout : de la bière au loto au bar même si chacun a son rang. Et surtout, on dit « bonjour », « merci », « au revoir » aux 2 000 clients environ qui passent par jour, et donc 2 000 fois par jour.  » 

•• Interpellé sur l’intention de plusieurs candidats à la présidentielle de faire grimper le prix du paquet de cigarettes à 20 euros (voir Lmdt du 16 avril), il réplique : « ils sont fous. S’ils font ça, c’est les ouvriers qui vont trinquer en premier, si le prix du paquet est multiplié par trois, leur Smic ne le sera pas. Pour une fois, je suis d’accord avec Mme Arthaud. Et ça risque d’ouvrir la porte à la contrebande. S’ils veulent vraiment limiter la consommation du tabac, il suffit de stopper sa fabrication mais ils ne peuvent pas parce que ça rapporte beaucoup d’argent à l’État, alors … qu’ils nous foutent la paix ».