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18 Juin 2019 | Observatoire
 

Selon Challenges.fr du 15 juin, le CAE (Conseil d’Analyse économique) – dont le travail est à vocation indépendante mais qui dépend statutairement du premier Ministre – soutient les mérites d’une légalisation dans une note publiée ce 20 juin … même si Emmanuel Macron y est plutôt hostile. 

Les auteurs de la note, Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard, estiment que la légalisation permettrait « à la fois de lutter contre le crime organisé, de restreindre l’accès au produit pour les plus jeunes et de développer un secteur économique, créateur d’emplois et de recettes fiscales ».

•• La note part d’un constat d’échec bien connu : la France est l’un des pays les plus répressifs en matière de lutte contre le cannabis, elle y consacre beaucoup d’argent et, pourtant, elle fait figure de champion européen en matière de consommation, en particulier chez les jeunes.

•• C’est pourquoi la proposition prône une légalisation du marché, assortie d’une interdiction de vente aux mineurs.

Pour contrôler la consommation des jeunes, les auteurs plaident pour une gestion étatique centralisée, comme en Uruguay ou au Québec, plutôt qu’un marché privé régulé, en place dans d’autres provinces canadiennes et certains états américains. « Il est préférable, pour les protéger, d’avoir la mainmise sur l’organisation du secteur et son fonctionnement plutôt que de subir les mécanismes du marché. »

•• L’État exercerait son monopole en octroyant des licences à des producteurs agréés et à des boutiques spécialisées ne vendant que du cannabis. Les économistes recommandent de créer une autorité administrative indépendante pour gérer ces licences et réguler le marché.

« Cette solution aurait l’avantage de limiter l’appétence des pouvoirs publics pour les rentrées fiscales liées au cannabis et leur capture par les lobbys du secteur qui ne manqueront pas de se former ». L’autorité devra veiller à ce que la production soit assez importante et de bonne qualité, et les prix suffisamment attractifs, pour détourner les consommateurs du marché noir et affaiblir les organisations criminelles.

•• Actuellement, le prix de vente du cannabis illégal se situe autour de 11 euros le gramme, pour un coût de production de seulement 1 euro. Selon le CAE, un prix de vente au détail, hors taxes, de 5 euros serait suffisant pour rémunérer correctement producteurs et distributeurs.

En y ajoutant la TVA et un droit d’accise de 50 %, on aboutit à un prix final de 9 euros : « un tel prix permettrait à la fois de lutter contre le marché illégal en ayant un niveau de taxation similaire à celui du tabac » (sic)

Dans un premier temps, il pourrait même être fixé à un niveau inférieur pour assécher le marché criminel, avant que l’État monte progressivement le niveau des taxes afin de limiter la consommation.

•• Enfin, le CAE a tenté de mesurer les effets économiques de cette légalisation.

Pour cela, il a retenu deux scénarios de consommation annuelle de cannabis, de l’ordre de 500 ou 700 tonnes pour toute la France. En se basant sur les exemples de la Californie et du Colorado, les économistes estiment le nombre d’emplois créés par tonne de cannabis entre 55 et 114. Soit, à l’échelle du pays, de l’ordre de 27 500 à 80 000 postes, selon les scénarios retenus.

•• Quant aux recettes fiscales récoltées par l’État, elles seraient comprises entre 2 et 2,8 milliards d’euros.

Les auteurs suggèrent d’utiliser cette manne en renforçant les politiques de prévention, notoirement insuffisantes, et les moyens policiers pour faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs et lutter contre les gros trafiquants.  Légalisation et répression seraient ainsi des politiques publiques complémentaires.

•• Réaction mitigée de Vincent Le Beguec, patron de l’Office central de Lutte contre le Trafic de Stupéfiants : « la légalisation est une voie très incertaine, il faut attendre d’avoir plus de recul sur les expériences étrangères ».

Ce dernier craint que les réseaux criminels ne reportent leurs efforts sur d’autres drogues, notamment la cocaïne : « or, sur ce marché, la hausse de l’offre entraîne celle de la demande ».

(Voir aussi Lmdt des 16 et 7 mai ainsi que du 14 mars 1 et 2).