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7 Déc 2019 | Observatoire
 

Dans un reportage mené par l’AFP à Saint-Ouen, juste de l’autre côté du périphérique parisien, des dealeurs s’inquiètent d’être exclus des affaires en cas de légalisation du cannabis.

Extraits.

« Vaguement » au courant de la récente légalisation du cannabis au Canada (voir 13 juillet et 4 avril 2019) une petite main du trafic de la cité des Boute-en-train ignore en revanche qu’une mission d’information parlementaire doit être lancée prochainement pour « éclairer le débat public » français sur tous les usages du cannabis, y compris récréatif (voir 12 juillet 2019).

•• « Si on légalise, c’est pas les Noirs et les Arabes qui vont avoir les commerces qui vendent ça » réagit-il. Comme guetteur, il dit toucher « 100 euros pour 12 heures » de travail, entre midi et minuit.

Une manne qui, admet-il, serait menacée si les clients pouvaient se procurer leur cannabis librement. « Ici tu peux choper du shit ou de la beuh (herbe, ndlr), mais que d’une sorte. Dans une boutique, t’aurais plein de variétés. » À ses côtés, un « collègue » reste confiant : « on vendra moins cher, y aura toujours de la parallèle, car ce sera trop réglementé ».

•• « La légalisation du cannabis, c’est plus un choc social qu’un choc sanitaire. Cela nécessite de mettre un coup de pied dans la fourmilière des banlieues » estime Christian Ben Lakhdar, professeur d’économie à l’université de Lille. Selon ce spécialiste des drogues, environ 100 000 personnes participent plus ou moins régulièrement au trafic en France.

Si l’Hexagone, premier pays consommateur d’Europe, passe à la légalisation, les dealeurs actuels seront « probablement les oubliés du système », craint cet universitaire qui recommande de créer « des emplois légaux liés au nouveau marché du cannabis » dans les anciennes zones de trafic.

•• Un ancien « consommateur-vendeur », qui a passé trois ans en prison à cause du deal, trouverait « dégueulasse » de « donner le business aux industriels », sans permettre aux anciens délinquants d’acquérir les compétences nécessaires pour ouvrir un commerce.

« En tant que société, il faudra se rendre compte qu’on a été hypocrites, en faisant porter la responsabilité des stups aux gens les plus exposés à la précarité » lance-t-il, dénonçant le traitement de faveur réservé, selon lui, aux fumeurs de joints des beaux quartiers. « Ces gens-là ne sont jamais inquiétés. Mais pour qu’il y ait des vendeurs, il faut qu’il y ait des consommateurs » juge-t-il.

•• Aux États-Unis, où une dizaine d’états ont totalement légalisé le cannabis, l’insertion des populations les plus exposées au trafic est devenu un thème de société (voir 1er mars 2019 et 6 janvier 2018). En Californie, la loi permet d’effacer du casier judiciaire les condamnations liées au cannabis, qui ont surtout frappé des Afro-américains.

Les villes d’Oakland et de San Francisco ont également lancé des initiatives pour aider les femmes et les minorités à investir dans le marché légal du cannabis. Le Massachusetts assure, lui, un programme de réhabilitation des anciens dealeurs pour les aider à trouver un emploi dans cette nouvelle industrie.

•• « Il faut absolument aller jusque-là » assure à l’AFP le député Jean-Baptiste Moreau (LREM), un des artisans de la mission d’information, qui compte organiser des voyages outre-Atlantique. Pour lui, la légalisation, rejetée par le Gouvernement n’est « pas taboue » et « si on la propose, il faut savoir ce qu’on fait des gens qui sont dans cette économie parallèle ».

« Un accompagnement social serait nécessaire » estime-t-il. Mais les trafiquants qui souhaitent se reconvertir « doivent prendre conscience que ces emplois seraient moins rémunérateurs ».

•• À Saint-Ouen, « la petite main » n’exclut pas de gagner moins et de payer des impôts : « pourquoi pas ? Si tu bosses normalement, y a moins de risques ».

Mais avec un simple bac en poche, il reste sceptique : « pourquoi les employeurs prendraient des mecs de cité qui savent pas bien parler ? »